26 mars 2019

Imagerie multimodale de la CRSC

Introduction

La choriorétinopathie séreuse centrale (CRSC) est une maculopathie d’origine inconnue caractérisée par un passage de liquide provenant de la choroïde à travers l’épithélium pigmentaire rétinien (EPR), entraînant un décollement bulleux de la rétine habituellement situé au pôle postérieur. Il s’agit d’une manifestation aiguë, mais qui peut devenir chronique quand le décollement séreux rétinien (DSR) dure plus de 6 mois. On parlera alors de CRSC chronique ou “épithéliopathie rétinienne diffuse”. Le diagnostic de la CRSC aiguë typique n’est pas difficile, mais doit être posé après en avoir éliminé les diagnostics différentiels. Celui de la CRSC chronique, chez les patients de plus de 50 ans et sans point de fuite bien défini, est parfois plus compliqué. L’analyse en imagerie multimodale aidera au diagnostic : clichés sans préparation et cliché en autofluorescence, angio- graphie à la fluorescéine (AGF) ou au vert d’indocyanine (ICG), SD-OCT, EDI-OCT et OCT “en face”.

 

La CRSC aiguë

Les manifestations cliniques sont caractérisées par une baisse visuelle rapide avec syndrome maculaire survenant classiquement chez un sujet jeune (20 à 45 ans), le plus souvent de sexe masculin (90 %). L’évolution est généralement favorable en 1 à 3 mois.

  • Le fond d’œil et les rétinographies en couleur (fig 1) retrouvent une bulle de décollement séreux rétinien au sein de laquelle de fins dépôts jaunâtres sont parfois observés.
  • Le cliché en autofluorescence (AF) ( fig 1) montre une discrète hyperAF du soulèvement séreux. Les dépôts jaunâtres apparaissent hyperAF lorsqu’ils sont présents.
  • L’OCT (fig 2 à 5) est aujourd’hui devenu l’un des examens clés du diagnostic avec une sémiologie qui s’est beaucoup enrichie grâce à l’avènement de l’EDI-OCT et de l’OCT “en face”. Le décollement séreux, en général régulier, est facilement mis en évidence sous la forme d’un soulèvement hypo- réflectif. Des modifications rétiniennes sont souvent observées au niveau de la rétine externe qui montrera un allongement de la longueur des photorécepteurs avec une atténuation de la couche ellipsoïde et de la zone d’interdigitation entre l’EPR et les photorécepteurs. Des anomalies de l’EPR sont retrouvées en OCT dans quasiment tous les cas, sous forme:

    – d’un décollement localisé de l’EPR en regard du point de fuite, dans 60 à 70 % des cas ;
    – ou d’anomalies de l’EPR qui apparaît irrégulier et soulevé. Le DEP peut persister même après la résolution du DSR. Une cartographie de l’aire maculaire permettra de quantifier le soulèvement rétinien et d’en suivre l’évolution. Après réapplication de la rétine, l’ellipsoïde devient à nouveau progressivement visible. Cependant, dans près de 20 % des cas, cette ligne ne redevient pas analysable. Dans les formes qui tendent vers la chronicité, on notera parfois l’apparition de granu- lations hyperréflectives au niveau des couches les plus externes de la rétine.

  • L’EDI-OCT – ou les OCT de nouvelle génération swept source – montrent une dilatation des gros vaisseaux choroïdiens associée à une augmentation de l’épaisseur choroïdienne souvent supérieure à 400 μm (pour des valeurs normales voisines de 250 μm). L’OCT swept source permet aujourd’hui de réaliser une cartographie de l’épaisseur choroïdienne particulièrement utile pour le suivi après photothérapie dynamique. Ces anomalies témoignent d’une hyperperméabilité vasculaire choroïdienne. Un aspect d’excavation choroïdienne est retrouvé dans moins de 10 % des cas.
  • L’OCT “en face” (fig 4 et 5) apporte des informations sur l’étendue (dans le plan frontal) des anomalies observées sur l’OCT conventionnel (ou B-scan OCT). L’OCT en face est particulière- ment utile pour l’analyse des anoma- lies de l’EPR et de la choroïde, observées dans la CRSC. Le décollement séreux rétinien apparaît sous la forme d’un espace hyporéflectif au sein duquel on peut individualiser fréquemment des points hyperréflectifs. Les décollements de l’épithélium pigmentaire apparaissent sous la forme de lésions arrondies hyporéflectives avec une bordure hyperréflective. À la phase aiguë de la maladie, ils sont classiquement localisés au sein du DSR. Au niveau choroïdien, l’OCT “en face” permet de visualiser la dilatation des vaisseaux choroïdiens. Ces dilatations, observées en OCT en face, apparaissent sous la forme d’un réseau vasculaire dilaté et hyporéflectif, superposable à ce que l’on peut observer en angiographie ICG.
  • L’angiographie à la fluorescéine (fig 3 et 6): cet examen permet d’affirmer le diagnostic en montrant le point de fuite. Celui-ci apparaît typiquement comme un point hyperfluorescent vers la 30e seconde après l’injection. La diffusion du colorant peut ensuite prendre un aspect en tache d’encre (aspect le plus fréquent) ou en “plumeau”. Aux temps tardifs de l’examen (30 minutes), l’en- semble du DSR devient hyperfluorescent par remplissage. La CRSC peut être bilatérale et symptomatique dans environ 12 % des cas, mais l’étude angio- graphique de l’œil adelphe asymptomatique retrouve souvent des signes de CRSC guérie (zones dépigmentées et effet fenêtre), ou de CRSC chronique infraclinique (points de fuite, DSR et/ou DEP séreux extrafovéolaires).
  • L’angiographie au vert d’indocyanine : cet examen n’est pas indispensable pour le diagnostic de la CRSC aiguë. Les décollements de l’EPR apparaissent classiquement hyperfluorescents dès les temps précoces et le restent jusqu’aux temps tardifs.

 

La CRSC chronique

La CRSC chronique (ou ERD) est caractérisée par la survenue de symptômes plus tardifs, habituellement après 50 ans, des points de fuite mal définis
et multiples, une évolution volontiers chronique et récidivante. La plupart de ces patients n’ont pas de passé documenté de CRSC aiguë typique. Le dia- gnostic de l’ERD ne pourra être posé qu’après un bilan d’imagerie multimodale exhaustif permettant d’éliminer ses diagnostics différentiels.

  • Le fond d’œil et les rétinographies en couleur ( fig 7) permettent d’observer des altérations multiples ou diffuses de l’EPR et des zones de soulèvement séreux rétinien parfois associées à des exsudats lipidiques.
  • L’autofluorescence (fig 8) est l’un des examens clé du diagnostic mettant fréquemment en évidence la présence de coulées gravitationnelles correspondant à des altérations rétiniennes, allant du pôle postérieur vers la partie inférieure du fond d’œil. Ces coulées témoignent d’une exsudation sous-rétinienne chronique, entraînant dans un premier temps une atteinte des photorécepteurs suivie d’une atrophie de l’EPR. Ainsi, lorsqu’elles sont récentes, les coulées sont hyperAF (atteinte des photorécepteurs) alors que les plus anciennes deviendront hypoAF (atrophie de l’EPR).
  • L’examen OCT (fig 7, 9, 10, 11) est, là encore, fondamental pour poser le diagnostic. Il objectivera la présence de fluide sous-rétinien souvent associé à un œdème cystoïde. L’OCT réalisé au niveau des zones de coulées gravitationnelles retrouvera un amincisse- ment de la couche des photorécepteurs associé à une atrophie de l’EPR. La dilatation des gros vaisseaux choroïdiens sera visualisée au mieux sur les coupes en mode EDI-OCT et l’OCT “en face”.
  • L’angiographie à la fluorescéine (fig 12) montre une hyperfluorescence par effet fenêtre des zones d’altérations rétiniennes, superposables aux coulées gravitationnelles vues en autofluorescence. Souvent, l’AGF n’objective pas de véritable point de fuite mais plutôt des zones hyperfluorescentes aux contours mal délimitées, compliquant le diagnostic différentiel avec une néovascularisation choroïdienne occulte liée à la DMLA.
  • L’angiographie au vert d’indocyanine (fig 13), en revanche, est utile à la fois pour le diagnostic et pour guider au mieux une photothérapie dynamique le cas échéant. Elle objective des anomalies très caractéristiques avec des veines choroïdiennes anormalement dilatées dans les zones des points de fuite et des zones d’hyperfluorescence multifocales maximales aux temps intermédiaires. Ces hyperfluorescences en ICG ne correspondent pas aux points de fuite visualisés en AGF : elles sont typiquement plus larges et plus diffuses. Cet examen sera également très utile pour éliminer les principaux diagnostics différentiels de l’ERD (vasculopathie polypoïdale, DMLA, hémangiome choroïdien; métastases choroïdiennes…).

 

Imagerie multimodale de la CRSC

  • La CRSC se caractérise par des décollements séreux rétiniens du pôle postérieur.
  • La CRSC aiguë se manifeste le plus souvent par la survenue d’un syndrome maculaire aigu.
  • L’OCT est l’examen de référence pour le diagnostic et le suivi de la CRSC aiguë.
  • L’angiographie permet d’éliminer les diagnostics différentiels de la CRSC aiguë.
  • La forme chronique de la CRSC se caractérise par des points de fuite multiples évoluant sous la forme de poussées parfois récidivantes.
  • Le diagnostic et le suivi de la CRSC chronique nécessitent la réalisation d’examens angiographiques pour visualiser les zones d’hyperperméabilité choroïdiennes et mettre en évidence les complications néovasculaires.